Accueil > Nos Actions > Références & Supports > Articles scientifiques et petits essais > Archéologie et paléontologie > Pointes Levallois et pointes moustériennes : outils de l'homme de Neandertal
Le Projet
Le paléolithique est la première période de la préhistoire mais aussi la plus vaste. On y distingue trois sous-périodes : le paléolithique supérieur, le paléolithique moyen et le paléolithique inférieur. Chacune de ces périodes a vu naître et disparaître des espèces.
L’homme de Neandertal : une espèce prédominante
L’homme de Neandertal, qui tient son nom du lieu de sa découverte dans la vallée de Neander en Allemagne, est l’espèce phare du paléolithique moyen.
Cet homme plutôt trapu, mesurant environ 1,60m pour 70 kg, serait apparu au début de la période aux alentours de -300000 ans. C’est après une rapide cohabitation avec les hommes de Cro-Magnon qu’il aurait mystérieusement disparu, vers -28000 ans. Malgré cette cohabitation l’homo neanderthalensis est aujourd’hui encore considéré comme un paléanthropien, sa morphologie étant trop éloignée de l’homme moderne actuel pour le ranger dans les mêmes sous espèces (HUBLIN, 1998, 2002).
Cependant, c’est lui qui a taillé les premiers outils en silex. On parle d’outillage lithique. Ainsi, il a mis aux point différentes méthodes de débitages (BOËDA, 1984) basées sur l’exploitation de nucleus (rognon de silex encore recouvert de cortex).
Parmi tous les outils qu’il a pu fabriquer, on trouve des couteaux, des racloirs, des grattoirs… Mais les pointes Levallois et moustériennes, à « bout piquant et aigu » comme le dit Littré (PRADEL, 1963), sont les deux outils prédominants.
L’homme de Neandertal : un tailleur hors pair
La pointe Levallois est obtenue avec un débitage Levallois unipolaire convergeant (BORDES, 1950, 1961). Obtenue en trois coups à partir d’un nucleus, préalablement préparé et ainsi dépourvu de cortex, cette pointe est typique avec sa nervure guide et son triangle de base. Il s’agit d’une pointe débitée.
La pointe moustérienne est quant à elle obtenue à partir d’éclats de taille. Ceux-ci sont retouchés des deux côtés de la pointe en forme de racloir double. C’est une pointe façonnée.
Les éclats de tailles utilisés pour faire des pointes moustériennes peuvent être des éclats de préparation des nucleus dit Levallois. Avant d’extraire une pointe Levallois d’un rognon de silex, les tailleurs devaient retirer la totalité du cortex et obtenir une surface plus ou moins plane. Selon les outils à réaliser, les nucleus ne sont pas préparés de la même façon. On peut ainsi voir des préparations discoïdales, laminaires, quina...
L’homme de Neandertal utilisait pour tailler des méthodes directes ou indirectes. Dans une percussion directe, le percuteur touche directement le nucleus. Pour une percussion indirecte, il y a un élément intermédiaire entre le percuteur et le nucleus. Ces percuteurs peuvent être des bois de cerfs, des galets...
Outillage lithique : pour la chasse ou pour l’habitat ?
L’homme de Neandertal a utilisé ces pointes dans différents contextes. N’étant pas réalisées de la même façon, elles n’ont donc pas la même morphologie. Ainsi, elles ne pouvaient pas être employées dans les mêmes situations. Il est probable que la pointe Levallois ait été employée à la chasse emmanchée sur un morceau de bois, alors que la pointe moustérienne servait comme simple couteau au sein de l’habitat (BEYRIES et PLISSON, 1998).
Lors de leurs découvertes il est possible de déterminer s’il s’agit d’anciens sites de chasse ou d’habitat. Certaines études ont montré que des sites où seules des pointes Levallois sont mises au jour, se trouvent à proximité de site avec uniquement des pointes moustériennes. Ainsi, il peut être envisagé de dire que l’homme de Neandertal chassait sur certains sites et vivait sur d’autres. Cependant, la production de ces deux pointes n’a pas évolué durant tout le paléolithique moyen. Ces sites particulièrement proches n’ont peut-être donc aucun lien entre eux. Les hommes de Neandertal ayant vécus dans ces zones avaient peut-être des centaines de milliers d’années de différence (SANTACROCE, 2015).
Droitier ou gaucher ?
Même si l’homme de Neandertal est différent de l’homme moderne, il est possible de retrouver des similitudes entre eux. Notamment le fait d’être droitier ou gaucher. Dès le paléolithique, les hommes ont eu des aptitudes différentes les uns des autres. Il est possible de le voir sur les outils en fonction de la manière dont ils ont été taillés. Pour cela il faut observer plus principalement les pointes Levallois. En effet, les pointes moustériennes étant façonnées, cela n’est pas encore envisageable.
C’est donc à partir de la surface plane obtenue en préparant le nucleus qu’on extrait la pointe Levallois. Ainsi la surface supérieure de la pointe est marquée par les enlèvements de préparations. C’est en observant la façon dont ces enlèvements de préparations ont été extraits que l’on peut déterminer si le tailleur était droitier ou gaucher. Tout est lié au mouvement de poignet.
Quand la surface de débitage est réalisée il ne reste que trois coups à donner pour débiter la pointe Levallois. L’ordre de ces enlèvements n’est pas déterminant. Cependant, extraire l’enlèvement de droite, en ayant le percuteur dans la main droite, n’est pas évident. En effet, le poignet donne un coup désaxé. Un gaucher a plus de difficulté qu’un droitier pour le faire du fait que la main droite ne soit pas sa main directrice.
En observant encore plus précisément les pointes Levallois, on constate que même si elles doivent être réalisées en trois coups seulement, elles le sont rarement. A plusieurs reprises il a été remarqué que parfois le tailleur a donné plus d’un coup pour produire un enlèvement. Ainsi, peut-être que les pointes Levallois, dont l’enlèvement de droite a reçu plusieurs coups, ont été taillées par des hommes de Neandertal gauchers (SANTACROCE, 2015).
Bien que n’étant qu’une espèce parmi tant d’autre, l’homo neandertalensis, a laissé beaucoup de traces de son passage. Cela, notamment avec les pointes Levallois et moustériennes. Malgré le très grand nombre de découvertes, il reste encore beaucoup à explorer. Peut-être que des études similaire sur l’outillage lithique du paléolithique moyen a encore d’innombrables choses à livrer sur l’homme de Neandertal...
BIBLIOGRAPHIE
BEYRIES, S. et PLISSON, H. 1998. Pointes ou outils triangulaire ? Données fonctionnelles dans le Moustérien levantin [commentaires de SHEA, J. MARKS, A. et GENEST, J.-M.]. (Vols 24, num. 1) p.5-24.
BOËDA, E. 1984. Méthode d’étude d’un nucleus Levallois à éclat préférentiel. Cahiers de Géographie physique. n°5, Univ. Scien. Techn. Lille. p.95-133.
BORDES, F. 1950. Principes d’une méthode d’étude des techniques de débitage et de la typologie du Paléolithique ancien et moyen. L’Anthropologie. (tome 54). p.19-34.
BORDES, F. 1961. Typologie du Paléolithique inférieur et moyen. Publication de l’institut de Préhistoire de l’Université de Bordeaux. (mémoire n°1, vols 2). Bordeaux.
HUBLIN, J.-J. 1998. Climat de l’Europe et origine des néandertaliens. (ed. pour la Science, num. 245). p.52-59.
HUBLIN Jean-Jacques, 2002, Néandertal, un cousin mal aimé. (ed. Sciences Humaines, num. 126). p.36-37.
PRADEL, L. 1963. La pointe moustérienne. (ed. Bulletin de la société préhistorique de France : Société préhistorique de France, tome 60, n°9 -10). p.569-581.
SANTACROCE, M. (2015). Contribution à l’étude des pointes Levallois et moustériennes au Paléolithique moyen en Haute-Saône. « Mémoire non publié » Université de Bourgogne, Dijon, France.