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Introduction
Les caméléons : rois du camouflage ?
Le Projet
Nos amis les caméléons sont apparus en Afrique il y a environ 90 millions d’années. Langue protractile, mobilité indépendante des yeux, doigts en forme de pince ; ce sont là des animaux bien curieux... Mais tellement fascinants ! Surtout lorsqu’il s’agit de leur capacité à changer de couleur en l’espace de quelques secondes voire millisecondes. D’ailleurs, l’homme les appelle volontiers : les rois du camouflage. Mais, cette panoplie de couleurs est-elle seulement une tenue de camouflage ?
- Mobilité indépendante des yeux du caméléon
Fiche d’identité
Classe : Reptilia
Famille : Chamaeleonidae
Nombre d’espèces : 202 (établit en 2015)
Lieux : Madagascar (> 40% des espèces), Afrique continentale, Ouest de l’Inde, Sud de l’Europe et du Moyen Orient
Habitats : Régions arboricoles, plaines broussailleuses
Régime alimentaire : Insectivores et/ou carnivore (pour les espèces de grande taille)
Taille : entre 1,5 cm et 70 cm selon les espèces
Reproduction : Ovipare ou ovovivipare
Espérance de vie : < 8 ans (variable selon les espèces)
- Carte de la répartition des caméléons dans le monde
Une question de survie !
Bien que redoutés par les insectes, les caméléons n’en sont pas moins invulnérables. Exposés à de nombreux prédateurs ; notamment aux oiseaux et aux serpents, nos amis colorés savent se fondre littéralement dans le décor pour survivre.
Pour se faire, ils doivent réguler les contrastes entre leur environnement naturel et leur peau. Il existe deux types de contrastes :
le contraste chromatique (teinte et saturation = pureté de la couleur)
le contraste achromatique (luminosité ; cad quantité de lumière réfléchie)
Que ce soit face à un oiseau ou à un serpent, nos caméléons essaient au maximum de limiter le contraste chromatique afin d’avoir une couleur plus ou moins uniforme correspondant à leur support (branches, feuilles). Mais, plus impressionnant encore, ils réguleraient le contraste achromatique en fonction du prédateur auquel ils font face. Confrontés aux oiseaux, le contraste achromatique est plus faible que lorsqu’ils sont en présence de serpents. En effet, les oiseaux possèdent une très bonne acuité visuelle mais discernent mal les contrastes achromatiques entre deux objets. En limitant ce paramètre, les caméléons ont plus de chance d’échapper à leur prédateur. Les serpents, quant à eux, attaquent généralement leurs proies par en dessous. Ils sont donc face au ciel, environnement à forte luminosité. Les caméléons ont tout intérêt à contraster avec cette luminosité, renforçant ainsi leurs camouflages en mimant l’effet contre-jour provoqué par les feuilles/branches sur lesquelles ils reposent. Malins !!!
- Un caméléon en mode « camouflage »
Il faut tout de même noter que ce ne sont pas les seuls tours de passe-passe auxquelles les caméléons ont recours pour échapper à leurs prédateurs. Ils aplatissent leurs corps pour se cacher, ils vont systématiquement de l’autre côté de la branche où se trouve le prédateur, ou ils se laissent tomber au sol, au choix !
Le camouflage de nos amis les caméléons semble être essentiel à leur survie. Pourtant, les chercheurs ont démontré que ce n’est pas cette capacité à se fondre dans le paysage qui est soumis à la sélection naturelle. Au contraire, les spécimens qui tendent le plus à se reproduire sont ceux qui affichent les couleurs les plus contrastées par rapport à leur environnement... Comment pourrions-nous expliquer cela ?
Communiquons !
Les caméléons sont des solitaires. Les mâles et les femelles ne se croisent que lors de la période de reproduction. Durant celle-ci, les femelles mettent en place une signalisation colorée indiquant leur statut reproductif. Cela permet aux mâles de ne pas se prendre trop de râteaux et ainsi de réduire le temps consacré à la parade nuptiale et à la reproduction. Par exemple, la femelle des chamaeleo chamaeleon est naturellement verte (ou brune selon son environnement) avec des rayures jaunes sur les flancs. Pour signaler qu’elle est prête à se reproduire, elle devient verte (ou brune) avec des points jaunes ou oranges. Pour finir, si elle prend une couleur noire avec des points jaunes, oranges, verts et/ou bleutés, cela signifie « je suis gravide, n’y pense même pas ». Ces messieurs sont donc prévenus et ceux qui ne respectent pas les règles sont inéluctablement chassés voire mordus par ces dames.
Par ailleurs, lorsqu’une femelle est réceptive, il arrive fréquemment que plusieurs mâles perçoivent ses signaux ; commence alors une joute visuelle entre les prétendants. Celle-ci vise à connaître l’aptitude au combat et la motivation de l’adversaire en évaluant la luminosité des bandes qu’il arbore. En effet, plus le caméléon contraste avec son environnement, plus il est supposé être agressif et vif. Ce combat de couleur se déroule en deux étapes :
Dans un premier temps, les adversaires se placent de profil l’un à l’autre pour montrer leurs flancs. Cette partie du corps gonfle pour paraître plus imposante et affiche des couleurs de plus en plus vives et lumineuses.
Dans un second temps, nos deux caméléons se font face et avancent l’un vers l’autre. L’animal qui affiche le plus rapidement la tête la plus chatoyante sera certainement le vainqueur. Le perdant, quant à lui, devient brun et pâlit en signe de soumission.
Cette joute visuelle est donc une manière pacifique de rivaliser et permet d’éviter les blessures graves qu’ils s’infligeraient lors d’un combat réel. Pourtant, cela n’empêche pas les plus belliqueux d’ignorer les signaux de leur adversaire et de continuer la lutte physiquement. Comme les humains en fait...
NB : petite vidéo sur laquelle vous pourrez observez ces deux étapes de confrontation => https://www.youtube.com/watch?v=6ZQ...
- Vainqueur & vaincu - © Christian Ziegler
Les caméléons sont décidemment bien pragmatiques et savent utiliser à merveille leur palette de couleurs pour survivre, se reproduire et limiter les conflits. Vous n’êtes pourtant pas au bout de vos surprises, puisqu’ils utilisent aussi leur couleur de peau pour réguler leur température.
Ca chauffe !
Les caméléons sont des animaux à sang froid. Durant la nuit, ils se cachent dans la végétation et ont une température corporelle égale à celle de l’air ambiant. Mais dès que le soleil se lève, ils grimpent en haut des arbres/arbustes et deviennent uniformément foncé. Cela permet de maximiser l’absorption des rayons du soleil et de chauffer leurs corps plus rapidement. Après avoir atteint une température corporelle d’environ 30°C, ils peuvent retourner à leurs occupations et teintes habituelles.
Alors, la forme ?
Lors des compétitions entre mâles, les couleurs vives et chatoyantes démontrent une force physique et une grande motivation de la part de nos caméléons. De la même façon, un animal malade porte des teintes homogènes comme le marron foncé ou le jaune pâle. De ce fait, les couleurs de nos amis nous informent aussi sur leur état physiologiques et leurs humeurs.
Pour conclure...
Voilà ! Les changements de couleur de nos reptiles préférés n’ont plus de secrets pour vous. Bien loin de n’être qu’une tenue de camouflage, ils servent essentiellement à faciliter les contacts sociaux entre les individus. A l’échelle humaine, on pourrait comparer cela au langage. Et tout comme nous parlons différentes langues selon nos origines et/ou nationalités, il faut savoir que les couleurs et les formes des signaux des caméléons varient d’une espèce à l’autre. Petit plus par rapport à notre mode de communication... le leur sert aussi de chauffage personnel !!!
Maintenant, c’est bien beau tout cela, mais... Comment font-ils pour changer de couleurs ?
La suite au prochain numéro.
Sources
Predator-specific camouflage in chameleons - D.M. Stuart-Fox, M.J. Whiting, A Moussalli
Selection for social signalling drives the evolution of chameleon colour change - D.M. Stuart-Fox, A. Moussalli
Body Colors indicate the reproductive status of female common chameleons : Experimental evidence for the intersex communication function - M. Cuadrado
Models painted with female-like colors elicited courtship by male common chameleons : Evidence for courtship releaser - M. Cuadrado
Multiple signals in chameleon contests : Designing and analysing animal contests as a tournament - D.M. Stuart-Fox, D. Firth, A. Moussalli, M.J. Whiting
Chameleons communicate with complex colour changes during contests : different body régions convey different information - R.A. Ligon, K.J. McGraw
Thermoregulation in african chameleons - A.F. Bennett
http://nationalgeographic.fr